Bonjour Momi M’buze. Je suis Amélie Diack. Je vous remercie d’avoir accepté cet entretien.
AD Pouvez-vous vous présenter ?
MM Je suis Momi M’buze, de mon nom complet : M’buze Noogwani Ata Ye Mieko Momi. Je suis né un 11 juin à Kinshasa, papa de 3 enfants, marié, je vis en Belgique depuis mes 16 ans.
« Noogwani est un nom en lien avec le clan de mon grand-père paternel. Il renvoie à une question philosophique qui est “ Et vous, la mort n’est-elle/ne sera-t-elle pas votre sort à vous aussi?”.
AD Votre nom a-t-il une signification particulière ?
MM Oui M’buze, mon nom de famille, designe “l’enfant que l’on a eu dans sa jeunesse”, son premier. Il est question ici de mon père.
Noogwani est un nom en lien avec le clan de mon grand-père paternel. Il renvoie à une question philosophique qui est “ Et vous, la mort n’est-elle/ne sera-t-elle pas votre sort à vous aussi?”. Cette partie de mon nom interroge mon humanité et ma condition de mortelle pour ne pas dire, un appel ou rappel à plus d’humilité.
Mon nom spirituel ou post-nom Ata Ye Mieko Momi veut dire “L’Homme persévérant (celui qui ne renonce pas jusqu’à avoir eu la meilleure solution à un problème”. Momi, dont l’équivalent au Cameroun Moumie, veut dire Homme, Virilité.
AD Parlez-nous des souvenirs votre enfance, de vos études ?
MM Mes souvenirs d’enfance sont très riches, riches des lieux que j’ai pu voir de mes yeux, et y séjourner : Sénégal, Suisse, Israël, France… Et surtout le pays, la forêt équatoriale, mon école à Kinshasa mais aussi celles lors de mes séjours hors du pays… Bref, il y a beaucoup à dire sur mes souvenirs
d’enfance. Tout un roman…
Pour ce qui est de mes études, elles furent très linéaires jusqu’à mes secondaires et mes études supérieures. Vous savez, s’assumer seul et suivre des cours ou formations qualifiantes, ce n’est pas chose aisée mais j’ai su avoir mon diplôme d’assistant comptable.
AD Je comprends cela car j’ai fait le même parcours ; travailler et faire des études. C’est dur mais enrichissant.
MM Tout à fait. Ça forge le caractère et la vision ainsi que les lignes directrices de la vie.
AD Comment avez-vous découvert votre désir d’écrire ?
MM C’est un désir qui m’est venu bien avant d’acquérir le statut d’écrivain. J’ai commencé d’abord comme auteur-compositeur gospel, puis dans un collectif hip hop et de fil en aiguille, lorsque j’ai commencé à acquérir une véritable conscience politique panafricaine, j’ai commencé à écrire d’abord des articles pour des dossiers politiques sur le Congo, ensuite sur la communauté congolaise et africaine en Belgique.
L’écriture, celui des livres, est donc un prolongement de celle qui a débuté dans la musique. Le souci du partage d’idées, d’avis, d’opinion et de mes pensées.
« Le souci de la transmission est devenu un moteur de mon existence en devenant père. Car comme mon père, et mentor, j’ai eu à cœur cette envie de transmettre ce que j’ai reçu de mes ascendants à mes enfants. »
AD Quand avez-vous décidé de devenir écrivain ?
MM C’est avec l’arrivée de ma fille aînée, Nyasha, que j’ai réellement commencé à écrire. Le souci de la transmission est devenu un moteur de mon existence en devenant père. Car comme mon père, et mentor, j’ai eu à cœur cette envie de transmettre ce que j’ai reçu de mes ascendants à mes enfants.
Donc j’ai vraiment décidé de devenir auteur lorsque j’ai écrit ce carnet de notes devenu un livre, assez intimiste, MEMOIRE DE PATERNITE, où je tiens un monologue en direction de ma fille aînée alors qu’elle est encore dans le ventre de sa mère. Et le Destin a voulu que la dernière page de la dernière feuille de mon carnet de notes soit celui du jour de la naissance de ma fille.
Après quelques années, j’ai eu le désir de lui écrire une petite histoire sur une princesse guerrière africaine car je voulais lui créer un imaginaire épique et fantastique qui lui parle de l’Afrique, qui lui donnera envie de se plonger dans l’histoire de ce continent et ses peuples. Et c’est en écrivant la trilogie, LES CHRONIQUES DE L’EMPIRE NTU, que je me suis réellement rendu compte que l’écriture était en moi et que j’ai un don : celui d’écrire une quantité phénoménale de livres en peu de temps. D’ailleurs la trilogie, donc trois livre d’environ 290 à 350 pages en six mois seulement…
AD C’est émouvant et impressionnant.
MM Merci
AD Qu’a pensé votre famille de votre désir d’écrire ?
MM Dans ma famille, tout le monde sait que mon père, en plus de ses fonctions diplomatiques et ministérielles, était aussi un homme de lettres. Il a été professeur dans l’enseignement secondaire et ensuite supérieur et avait publié trois livres avant ses 35 ans. Pour dire la vérité, les membres de ma famille n’étaient pas vraiment au courant, sauf ma mère et quelques proches très portés sur la culture et la littérature. C’est avec le
temps, et les sorties de livres, les prix, les invitations ici et là pour parler et exposer mes publications que de plus en plus de membres de la famille ont pris conscience qu’il y avait un écrivain dans la famille. Donc, beaucoup se disent que c’est « normal » car comme on dit «le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre qui l’a porté».
AD En fait, c’est un passage de flambeau en quelque sorte.
MM C’est exactement ça. Nous sommes là. Raison pour laquelle d’autres, nos aïeux, ont existé.
AD De qui ou de quoi vous êtes-vous inspiré pour votre premier roman ?
MM Clairement, la reine Nzinga de Ngola. Elle est la femme monarque et guerrière par excellence qui a été réellement mon inspiration pour le personnage de la trilogie les CHRONIQUES DE L’EMPIRE NTU à qui j’ai donné le nom de NEHESHA. Ensuite, il y a toute l’histoire ou les histoires d’Afrique, les mythologies, les légendes et autres contes populaires. Je voulais faire un mix de toutes ces choses et les condenser en un seul récit.
AD Il faut dire que pour ce qui est de l’imaginaire, nous sommes très gâtés en Afrique. Il y a l’embarras du choix.
MM Oui, il faut se donner la peine d’aller chercher en profondeur les idées… Dans les profondeurs de notre Histoire, de nos croyances, légendes et mythes.
AD Combien de temps avez-vous mis pour l’écrire ? En étiez-vous satisfait ?
MM La trilogie ? En six mois. Ensuite il y a eu le temps de la relecture, des corrections. C’est celui qui a pris le plus de temps.
Satisfait ? Oui, mais avec le temps, j’ai dû y apporter des modifications en ajoutant plus de dialogues entre les personnages. Mais dans l’ensemble, oui, j’en suis très satisfait. Tellement satisfait que j’ai écrit 11 hors-séries dans lesquels je raconte les histoires personnelles de personnages clés, de leur naissance au contexte de la trilogie.
AD J’adore. Il faut que je lise cette trilogie car j’aime l’histoire des reines guerrières africaines.
MM Nos héros et héroïnes du passé ne demandent qu’à revenir à la vie pour nous transmettre force et puissance d’esprit, d’intelligence et de créativité
AD Comment ce roman a-t-il été accueilli dans le monde littéraire ?
MM En général, je dirai qu’il est bien accueilli mais… Il y a toujours ce frein lié aux types de lectures qui semblent coller aux africains et parmi lesquels les romans d’épic fantasy, de science-fiction n’ont pas trop leur place. Donc ce fut assez galère de faire connaître et reconnaître mes livres. Et même à l’heure où je vous parle, je lutte encore car… Il y a un réel manque d’intérêt de structures médiatiques, associatives et événementiels qui devraient accorder plus d’importance à ce type de littérature, surtout dans la sphère des livres africains d’expression francophone.
AD Je confirme. J’écris de la fantasy et je fais face à ces freins. Mais, petit à petit le bouche à oreille fonctionne. C’est très difficile.
MM C’est un genre littéraire dont les africains ont besoin mais aussi, par lequel ils ont été bercés via les contes et légendes anciens. Mais il nous faut passer à un niveau supérieur: l’épic fantasy et l’agro futurisme pour faire revivre ces histoires de nos terroirs.
« À chaque publication, je me sens accompli, libéré d’un poids « moral » «
AD Depuis, en aviez-vous écrit d’autres ? comment vous sentez-vous à chaque publication ?
MM Oui, j’ai écrit beaucoup d’autres, plus de trois quart de mes projets de livres sont encore au stade de maquette, c’est à dire, la structure du livre avec les idées principales, action par action, scène par scène, est déjà faite pour plusieurs livres.
Ceux publiés à ce jour sont :
Le premier hors-série de la trilogie LE JAMAANU ANCIEN : RECITS SUR LES DIEUX.
KEMETOS LE NOUVEAU PARADIGME, trois des sept livres sont déjà publiés
OTIS – WAY OF LIFE – EP 1
À chaque publication, je me sens accompli, libéré d’un poids « moral » mais en même temps j’ai cette envie de continuer à écrire pour continuer à sortir d’autres histoires car j’en ai tout plein que j’aimerai faire connaître, des histoires touchant à beaucoup de thématique dans le cinéma, par exemple, mais avec des africains ou afro-descendants et l’Afrique en centre du sujet…
AD Pensez-vous que la passion d’écrire puisse se transmettre ? Si oui, par quel biais ?
MM Oui, j’en suis convaincu. Je l’expérimente avec ma fille aînée. Un bon écrivain est d’abord un bon lecteur, c’est à dire, une personne qui aime lire, qui trouve le temps et le plaisir dans la lecture.
Moi, je raconte beaucoup d’histoires à mes enfants, j’en invente quasiment une tous les soirs (rire). Je mets dans la tête de mes enfants beaucoup d’images et je les aide à se construire un imaginaire en les aidant à comprendre le monde qui les entoure et à pouvoir raconter, eux aussi, des histoires. Par exemple, lorsque je donne à mes deux filles une lecture à faire, je leur demande ensuite de m’expliquer avec leurs mots ce qu’elles ont compris mais aussi de m’écrire une ligne de l’histoire avec leurs mots.
AD C’est une très bonne idée. Est-ce qu’elles vous disent ce qu’elles ressentent en écrivant un bout d’histoire?
MM Je peux sentir la Vie en elles lorsqu’elles me racontent leurs histoires, du moins la passion avec laquelle elles aiment me raconter les lumières qui s’allument dans leurs têtes. J’adore, vraiment. La créativité est un don qui nous rapproche du Divin.
« L’écriture, c’est le souci de la transmission. Transmission d’expériences, de sentiments, de projets, d’idées, de techniques, de pensées. L’écriture est un outil de développement de l’intelligence collective «
AD Que représente l’écriture pour vous ? Est-elle synonyme d’engagement?
MM L’écriture, c’est le souci de la transmission. Transmission d’expériences, de sentiments, de projets, d’idées, de techniques, de pensées. L’écriture est un outil de développement de l’intelligence collective car elle permet de partager avec celui qui lit, peu importe son éloignement ou sa différence culturelle, des choses que sans l’écriture on ne pourrait que partager avec son environnement direct, avec le risque de la déformation du récit comme cela peut arriver avec l’oralité.
Donc oui, c’est clairement un engagement car en écrivant on s’engage à dire des choses, à transmettre des choses, des pensées, des mots qui sont nôtres ou dont on est dépositaire. Des pensées et mots que l’on assume pour ce qu’ils sont et deviendront après notre mort.
AD Ce que vous dites est extrêmement beau et vrai.
MM Merci beaucoup.
AD Quels sont vos futurs projets ?
MM Pour ce qui est de la littérature, mes projets sont les adaptations : je suis sur deux voire trois projets d’adaptation en bande dessinée, des adaptations en anglais de certains de mes livres, des adaptations en livres audio et de films d’animation.
AD Alors, on va croiser les doigts pour vous.
MM Doigts et orteils!!! (rires)
AD Quels conseils pouvez-vous donner à des jeunes auteurs ?
MM Je leur dirai que c’est une passion qui prend et demande du temps comme toutes les passions. Soyez des rêveurs avant tout, des gens qui aiment apprendre sur le monde, des gens qui aiment lire et surtout sachez qu’un livre est une projection de son esprit, de sa pensée, vers une autre personne. Tenez-en compte afin que le proverbe qui dit «la lecture est le nourriture de l’esprit», soit pour vous un socle. Car celui qui écrit est celui qui nourrit le lecteur. Soyez de bons cuisiniers des lettres. ET un cuisinier doit aimer apprendre
d’autres recettes, se remettre en question et surtout tester de nouveaux plats.
AD Quels conseils me donnerez-vous pour améliorer mon blog dont le lien est https://litteratureetecrivainsdailleurs.blog/ ?
MM Je dirai qu’il faudrait faire un peu plus de publications vidéos, pas forcément avec vous à l’image, mais du son et de l’image car il existe un public qui n’aime pas prendre le temps de lire mais qui prendra le temps de regarder une vidéo qui dira exactement la même chose qu’un article écrit.
AD J’y pense car de nombreux auteurs m’en ont parlé. C’est un de mes projets pour la nouvelle année.
MM Alors lancez-vous sans tarder! Il faut libérer la parole de l’Africain et consolider notre imaginaire par notre vision du monde c’est à dire notre paradigme renouvelé.
AD Avez-vous quelque chose à rajouter ?
MM Non, rien d’autre
Merci beaucoup d’avoir répondu à mes questions. Au plaisir de vous lire bientôt
A reblogué ceci sur Amélie Diack Auteur.
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