VIATIQUE – Birago Diop

Dans un des trois canaris

des trois canaris où reviennent certains soirs

les âmes satisfaites et sereines,

les souffles des ancêtres,

des ancêtres qui furent des hommes

des aïeux qui furent des sages.

Mère a trempé trois doigts,

trois doigts de sa main gauche :

le pouce, l’index et le majeur;

Moi j’ai trempé trois doigts :

trois doigts de la main droite :

le pouce, l’index et le majeur.

 

Avec ses trois doigts rouges de sang,

de sang de chien,

de sang de taureau,

de sang de bouc.

Mère m’a touché par trois fois.

Elle a touché mon front avec son pouce,

Avec l’index mon sein gauche

Et mon nombril avec son majeur.

 

Moi j’ai tendu mes doigts rouges de sang, de sang de chien, de sang de taureau, de sang de bouc.

J’ai tendu mes trois doigts aux vents aux vents du
Nord, aux vents du
Levant aux vents du
Sud, aux vents du couchant
Et j’ai levé mes trois doigts vers la lune,

Vers la lune pleine,

La lune pleine et nue
Quand elle fut au fond du plus grand canari.

 

Après j’ai enfoncé mes trois doigts dans le sable dans le sable qui s’était refroidi.
Alors
Mère a dit : «Va par le Monde,Va !
Dans la vie ils seront sur tes pas. »

Depuis je vais

je vais par les sentiers

par les sentiers et sur les routes,

par-delà la mer et plus loin, plus loin encore,

par-delà la mer et par-delà l’au-delà ;

Et lorsque j’approche les méchants,

Les Hommes au cœur noir,

Lorsque j’approche les envieux,

les hommes au cœur noir

Devant moi s’avancent les souffles des aïeux.

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