Batouala, véritable roman nègre – René Maran – 1921 – Ed. Albin Michel

Quatrième de couverture

Nous sommes en 1921. À cette époque, personne n’ose douter du bien-fondé du colonialisme, porteur de civilisation et de paix. Une voix pourtant s’élève. Celle de René Maran, auteur antillais (1887-1960), alors fonctionnaire au ministère des Colonies, qui dénonce dans un roman, Batouala, les abus de l’administration en Afrique-Equatoriale française et les méfaits de l’impérialisme. Ses propos déclenchent un véritable scandale qui culminera avec le prix Goncourt qui lui sera pourtant décerné la même année. Cent ans plus tard, ce texte demeure d’une actualité brûlante, tant pour les préjugés tenaces qu’il continue de mettre à mal que pour le droit à la liberté qu’il revendique. Liberté de pensée et d’être que nous rappelle la préface d’Amin Maalouf : « Peu de gens se souvenaient encore de l’émoi qu’avait suscité son roman. Avait-il fait preuve de courage ou bien d’ingratitude en l’écrivant ? Son rêve d’un monde où le fait d’être noir ou blanc serait devenu sans objet était-il généreux et visionnaire, ou bien insensible et passéiste ? Un siècle s’est écoulé, et nous n’avons toujours pas la réponse. Maran n’est toujours pas sorti de son purgatoire, il n’est toujours pas dans l’esprit du temps. L’idée que l’on puisse être simplement humain, sans s’attacher à une identité ethnique, raciale, religieuse ou autre, semble aujourd’hui aussi révolutionnaire et aussi inconcevable qu’il y a cent ans. »

Ma Chronique

Chose promise, chose due. Je vous avais promis de vous donner plus de détails sur ce roman paru en 1921. Nous y voilà!!

Batouala raconte l’histoire d’un chef de village qui est dans la tourmente. Il se rend compte que la société dans laquelle il a toujours vécu est en train de vivre ses derniers jours  et que l’homme blanc (le colonisateur) ne le respecte pas autant qu’il le devrait et ne se sent pas concerné par son titre. Notre Batouala vit la solitude des chefs. Il ne peut en parler à personne à part sa femme qui l’écoute souvent d’une oreille distraite. Mais cette dernière est absente. Même son chien a trop chaud pour l’écouter! Alors, Batouala ne dort plus et réfléchit beaucoup. Ce qui le change des jours où il paresse à l’ombre des arbres. A travers ce portrait réaliste et plein d’humour, René Maran décrit les travers des deux sociétés.

Ce livre a permis à René Maran de recevoir le Prix Goncourt en 1921. Mais, mais, mais… car il y a toujours un « mais »,  Batouala lui a fait perdre son emploi. Eh oui, quand on dit du mal de son employeur, on coupe son portable, on éteint son ordi et on met la musique à fond, au cas où des oreilles ou des micros traîneraient dans les environs. Non seulement René Maran n’a pas été discret, mais il a publié son pamphlet sur la colonisation à travers ce roman. Voilà LE petit passage de sa préface qui lui coûta sa carrière: « La vie coloniale… avilit peu à peu. Rares sont, même parmi les fonctionnaires, les coloniaux qui cultivent leur esprit. Ils n’ont pas la force de résister à l’ambiance. On s’habitue à l’alcool… Ces excès et d’autres, ignobles, conduisent ceux qui y excellent à la veulerie la plus abjecte… ». Juste ce passage et rien d’autre. En effet, René Maran a grandi en Afrique Centrale, en Oubangui-Chari (actuels Tchad et Centrafrique) plus précisément, où il côtoya et fréquenta des Africains de son âge. Il voyait ainsi les deux facettes de cette société coloniale. Il y fit la connaissance de Félix Eboué (Guyanais comme lui et futur gouverneur du Tchad) qu’il retrouvera plus tard en France.

De plus, en tant que fonctionnaire, René Maran reconnaît avoir autant travaillé que ses collègues, c’est à dire, pas du tout. En tant que tir au flanc, il a eu le loisir d’observer l’évolution de ces deux sociétés qu’il ne connaissait que trop bien. Donc, il dit SA vérité. Comme le dit si bien l’adage « toute vérité n’est pas bonne à dire ». Comme dans les fables de La Fontaine, il l’apprit à ses dépends. Il fut rappelé en France avant d’être poussé vers la sortie sans un sou de pension. Cependant, un de ses anciens supérieurs décida de lui octroyer un petit pécule qui fut retiré par un autre quelques mois plus tard. Il connut, ainsi des moments très difficiles, pour ne pas dire délicats. Ce qui ne l’empêcha pas de continuer à écrire.

BATOUALA FUT SON PARADIS ET … SON ENFER!!!

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