Entretien avec Théo Ananissoh, homme de Lettres Togolais – 1962

9782072733307_1_75Bonjour, Je m’appelle Amélie Diack. Je vous remercie d’avoir accepté cet interview. J’en suis honorée. Si je vous dis « qui êtes-vous ? », que répondez-vous ?
Théo Ananissoh, écrivain togolais.

A.D Où avez-vous fait vos études et quels sont les souvenirs que vous en gardez ?
Eh bien ! la maternelle et l’école primaire à Carnot et à Berberati (c’est en République centrafricaine où je suis né en 1962), le collège à Lomé au Togo, le lycée à Dapaong, également au Togo, et l’université à Lomé puis à Paris (La Sorbonne, Paris III).
Un bon souvenir de l’école primaire évangélique à Carnot : les pasteurs suisses qui nous éduquaient. Des femmes douces et patientes. Quelque chose s’est fixé en moi alors pour la vie.

A.D. Pouvez-nous parler de vos souvenirs d’enfance ?002496089
J’ai commencé. Enfance merveilleuse en Centrafrique dans les années 60 et 70. Du fait de la profession de mon père (gérant d’un grand magasin de commerce), nous vivions dans des propriétés isolées qu’occupaient les colonisateurs quelques années plus tôt. Ceux-ci y ont laissé beaucoup de livres que j’aimais lire ou essayer de lire. A onze ans, je voulais devenir écrivain. Je suis de près la situation politique générale en Centrafrique. Je voudrais pouvoir y retourner pour un séjour approfondi sur les lieux de mon enfance. Je dois à ce pays de ma naissance un ouvrage – une œuvre littéraire.

41w-RA1FKmL._UY250_A.D. Comment avez-vous découvert votre désir d’écrire ?
Je me souviens exactement qu’à l’âge de onze ans, après avoir lu un ouvrage intitulé « La belle histoire de Leuck-le-lièvre » signé de Léopold S. Senghor et d’Abdoulaye Sadji, j’ai demandé à un employé de mon père ce qu’étaient ces deux personnes que je viens de nommer. Il m’a répondu : des écrivains. Cela a suffi. J’ai commencé alors à rêver d’être un jour comme eux, un écrivain. Je n’ai jamais plus éprouvé autre chose que ce désir jusqu’à l’âge adulte.

A.D. En avez-vous parlé à votre famille ? Qu’en a-t-elle pensé ?
Non. C’était un désir secret. Mes parents ne pouvaient pas comprendre ce que c’est qu’écrire. Au lycée, un de mes profs – un Français qui nous enseignait les maths – a sans-titredeviné mes intentions et m’a encouragé. Je n’ai pas confirmé.

A.D. Quelle a été votre source d’inspiration pour votre premier roman ?
La savane arborée au nord du Togo, à la frontière avec le Burkina. Très belle région aux horizons splendidement dégagés, pas du tout touffue de végétation comme les lieux forestiers de l’Afrique centrale où je suis né et que j’aime aussi mais que je crains.

A.D. Combien de temps avez-vous mis pour l’écrire ?
Difficile à dire. Une année à peu près d’écriture et quelques années de relectures plus ou moins régulières dans la mesure où je ne parvenais pas à trouver un éditeur.

41WD2KTG3WL._UY250_A.D. Qu’avez-vous éprouvé après l’avoir écrit ?
Avant cet ouvrage publié chez Gallimard en 2005 sous le titre de « Lisahohé », j’avais écrit des choses jamais satisfaisantes pour moi-même. Avec ce roman, déjà sous forme de manuscrit, j’ai eu enfin un sentiment de confiance quant à mon objectif de devenir écrivain.

A.D Comment ce roman a-t-il été accueilli dans le monde littéraire ?
Rien de singulier – heureusement. Quelques voyages et invitations pour en parler – en particulier une invitation à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds en Suisse romande. En février 2005, j’ai participé au festival des Étonnants voyageurs qui se tenait à Bamako au Mali. Une journaliste de Libération couvrait l’évènement. Dans son long papier publié dans le quotidien ensuite, elle m’a consacré quelques lignes accompagnées de ma photo. Une association suisse qui s’occupait de réfugiés africains à Neuchâtel, ayant lu cela, m’a invité à une rencontre9789973580160-200x303-1 littéraire dans une brasserie. Ce sont des protestants là-bas, n’est-ce pas, comme moi. Ils m’ont dit franchement qu’ils m’avaient choisi, moi auteur d’un seul roman, et pas quelqu’un de plus connu parce qu’ils n’avaient pas les moyens de payer plus que le voyage et le logement. Encore aujourd’hui, je reste très heureux de cette invitation. Ce fut une belle soirée de rencontre avec des gens courtois et aimables qui m’ont rappelé les pasteurs chez qui j’étais à l’école primaire. Tous les exemplaires commandés de mon roman ont été achetés. La Suisse est très présente dans mon parcours d’écrivain.

A.D. Comment vous sentez-vous à chaque publication ?
Mon éditeur chez Gallimard, Jean-Noël Schifano, m’a dit un jour : « Chaque livre publié est une victoire. » Pour qui a l’expérience du milieu, cela est vrai. Je reprends à mon compte cette phrase et le sentiment qu’elle contient.

41ZqJjGKdJL._UY250_A.D. Pensez-vous que la passion d’écrire puisse se transmettre ? Si oui, par quel biais ?
Transmission involontaire, oui, du simple fait d’être comme on est, je crois. De jeunes interlocuteurs chez moi au Togo me disent ou m’écrivent souvent ceci : « J’aime comme vous êtes. » Je suppose que d’une telle appréciation à l’envie de devenir soi-même écrivain, il n’y a pas une grande distance.

A.D. Que représente l’écriture pour vous ?
Une raison d’être.

A.D. L’écriture est-elle synonyme d’engagement?
Oui. Je ne l’entends pas au sens étroit ou idéologique mais humain. L’homme se voit vivre ainsi. Se pense, s’observe, se juge. Ça ne peut donc être neutre ou sans raison quant à la condition humaine.

A.D. Quels sont vos futurs projets ?51VhlIo3DyL._SX195_
Un roman en cours. Je voudrais y sublimer la femme, l’Africaine. Elle est un sujet magnifique.

A.D. Quels conseils pouvez-vous donner à des jeunes auteurs ?
Mon Dieu ! Il faut beaucoup lire… les auteurs des pays dits anglo-saxons – j’y inclus les romanciers africains anglophones. Aux jeunes auteurs d’Afrique : persévérance (rien n’attend et n’encourage leur talent), éthique, et leur lieu d’origine comme référence, sans cesse.

A.D. Quels conseils me donnerez-vous pour améliorer mon blog dont le lien est https://litteratureetecrivainsdailleurs.blog/ ?
Je le trouve bien fait. Mais, je ne suis vraiment pas qualifié dans ce domaine pour en juger ou exprimer des suggestions. Merci de cet intérêt pour les livres et les écrivains.

A.D. Avez-vous quelque chose à rajouter ?
Merci de vos questions qui m’ont bien plu.

A.D. Merci beaucoup d’avoir répondu à mes questions.

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