Karnak Café – Naguib MAHFOUZ – 2010

Quatrième de couverture

Le Caire, vers le milieu des années 1960. Au café Al-Karnak que gère une ancienne danseuse, le narrateur fait connaissance avec trois étudiants, Hilmi, Ismaïl et Zaynab. Le premier est l’amant de la gérante, et les deux autres, amis d’enfance, s’aiment tendrement. Tous les trois se considèrent comme des enfants de la révolution de 1952 et défendent ardemment ses principes et ses réalisations. Mais un jour ils cessent de fréquenter le café et, à leur retour, les clients apprennent qu’ils ont été arrêtés par la police politique qui les suspectait, contre toute évidence, d’appartenir au mouvement des Frères musulmans. Déjà ébranlés dans leurs certitudes, ils sont encore arrêtés à deux reprises sous d’autres prétextes fallacieux. L’un d’eux, Hilmi, meurt en prison tandis que Zaynab et Ismaïl en sortent comme des loques humaines. Surviennent alors, en juin 1967, la guerre contre Israël et la cuisante défaite de l’armée égyptienne.

Chronique

J’adore Naguib Mahfouz. Ce n’est un secret pour personne (du moins ceux qui sont abonnés à mon blog de littérature africaine). C’est un écrivain qui sait si bien parler des différentes époques de son pays. Des gens dont personne ne se soucie. Ce qu’il fait, encore, dans ce roman. Il a toujours posé un regard acéré, sans fard, sur la société qui l’entourait. Un regard qui lui a valu quelques soucis avec le pouvoir politique de son pays. Qurunfula, ancienne danseuse populaire, a ouvert un café où se retrouvent d’anciens fans et des jeunes qui représentent l’espoir de l’Egypte. En toute apparence. Ce petit monde vit en vase clos.

Le Karnak Café est un microcosme qui représente le peuple égyptien et son histoire. Les jeunes étudiants sont ceux qui reprendront le flambeau de la politique. Du moins, c’est ce que tout le monde pense. Les anciens sont le passé traditionnel et historique de cette Égypte qui se complait dans un monde envoie de disparition. Ce café, bien que situé dans un quartier populaire, représente le pays avec son futur cornélien. Tandis que ses habitués représentent le peuple pris entre deux feux: La révolution de 1952 et le mouvement des frères islamistes. Qui paye le prix de cette dichotomie? Les jeunes étudiants qui révent de renouveau avec une ferveur égale à leur soif d’indépendance, de changement. Les autres? Ils savent manier le profil bas. Finalement, les repères se perdent et l’amertume, le désarroi voient le jour et s’incrustent dans le quotidien. Ainsi que le climat de suspicion qui entrave les discussions.

Les écrits de l’auteur lui ont souvent valu des problèmes avec les autorités. Avec la censure. Ce à quoi n’a pas dérogé ce roman. Nous découvrons une Égypte au temps de la Guerre des Six Jours.  Une époque où tout citoyen égyptien devait afficher son lien avec le gouvernement régnant. Ce café représente le peuple égyptien perdu par les actes des nouveaux gouvernants. Un peuple qui ressasse la même chose car il a perdu tous ses repères. Parviendra t-il à retrouver l’estime d’elle -même? Restera t-il abîmé définitivement? Malgré toutes les violences subies, le peuple retrouvera t-il sa confiance envers ses dirigeants? A travers Karnak Café, un peuple tente de se chercher. De se trouver. Mais, dans quel état?

Note 18/20

9782330037390    Ed. Actes Sud     115 p.    6,70€

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